« Pourquoi, comme par hasard, le seul jour où je vais à l’église, mon téléphone sonne-t-il ? Et pourquoi donc cela s’entend-t-il dans toute la nef… Qu’est-ce qu’ils ont à me regarder ?! J’aurais vraiment dû l’éteindre avant ! ». Sous ce petit monologue se cache une fabuleuse constatation acoustique : un [personnage cherchant à me compliquer grandement la vie] a construit cette Eglise exprès pour que mon téléphone y fasse le plus de bruit possible. Et c’est en partie vrai, c'est-à-dire que, de nos jours, la plupart des bâtiments sont construits de manière à accentuer ou réduire certains sons. C’est la fusion de deux disciplines liées, l’architecture et l’acoustique, l’une servant au confort de l’œil et l’autre à celle de l’ouïe, qui a donné l’acoustique architecturale. On pourrait croire que cette science se borne aux salles de spectacles et autres lieux spécialisés dans les arts sonores, toutefois il n’en est rien. Un logement mal isolé acoustiquement n’est agréable à vivre ni pour les occupants ni pour les voisins. Trop d’architectes encore aujourd’hui se préoccupent peu de cette dimension, la considérant comme un luxe, ce qui oblige par la suite les habitants à faire appel à un acousticien et à pratiquer des rectifications bien moins efficaces et plus coûteuses. De réels progrès dans l’acoustique ont été réalisés au XIXème siècle, avec pour la première fois des théories écrites précises. De nos jours, les outils technologiques modernes, comme les instruments de mesure ou les logiciels informatiques adaptés nous permettent beaucoup plus de précisions sur la qualité acoustique des habitations et des salles de concert. Une question se pose alors : dans quelles mesures l’acoustique dépend t-elle des progrès techniques, architecturaux et de l'évolution de théories physiques ? Pour répondre à cette question, de plus en plus importante dans nos sociétés modernes, nous allons expliquer ce qu’est le son, ainsi que ses interactions avec la matière. Une seconde partie sera consacrée à l’étude de modèles précis, tels que la salle Pleyel.
Le son est un phénomène vibratoire qui se propage dans l'air ou dans les autres matières aussi bien solides que liquides par vibration : la matière devant la vibration se compresse et une dépression se créé à la suite. Cette succession de compressions et décompressions créé l’onde.
Ici, la vibration de la corde (celle d’un instrument de musique par exemple) compresse les molécules d’air, puis créé une dépression. Ces alternances de compressions et décompressions forment l’onde sonore.
Le son est donc une onde comme il en existe de multiples dans le monde (les ondes lumineuses les ondes sismiques…). Les ondes sonores correspondent à un échange d'énergie et non à un déplacement de matière.
Une onde sonore a un mouvement périodique, elle se reproduit identique à elle-même au bout d’un certain temps, appelé période T. La partie du mouvement qui se répète est appelée le cycle. L’intensité I est l’élongation maximale du cycle à partir de la position de repos (elle correspond à l’énergie de l’onde). Le nombre de cycles par seconde est la fréquence, notée f. Elle s’exprime en hertz (Hz). Pour en revenir à la période, elle est donc la durée d’un cycle. La période est l’inverse de la fréquence, et s’exprime en secondes. Les ondes sonores sont sinusoïdales, c'est-à-dire qu’elles ont une forme de vague, alternativement positive et négative.
La fréquence des ondes sonores est comprise entre 20 et 20 000 Hz. Les sons compris entre 20Hz et 100 Hz sont dits « graves » ; ceux entre 100Hz et 500Hz sont dits « médiums » et ceux entre 500Hz et 20 000Hz sont dits « aigus ». Le son s'étend à des fréquences plus larges telles que les infrasons (plus graves) et les ultrasons (plus aigus) mais celles-ci ne sont pas perceptibles par l'homme.
L’intensité est exprimée en décibels, d’près nom de l'inventeur du téléphone, Graham Bell. Un décibel est un dixième de bel qui correspond au logarithme de base 10 du quotient de la puissance de l'onde sur la puissance de référence qui est égale à 10-12Watt.m-2 (ce qui correspond à l’intensité minimale perceptible par notre oreille en milieu calme à la fréquence de 1000Hz). Ainsi, deux sons notés en dB ne peuvent s'additionner directement, on doit d'abord additionner leurs puissances puis calculer le logarithme de base dix de la somme.
On a donc (Avec L le niveau sonore en dB, I l’intensité acoustique ou puissance de l’onde et I(0) l’intensité acoustique de référence égale à 10-12W.m-2) :
L = 10 log I / I(0)
Le logarithme de base 10 peut être expliqué facilement par :
Y = 10x ⇔ X = log10 Y
Ce tableau récapitulatif permet de déterminer le niveau sonore de la somme de deux sons.
Par exemple, deux conversa-tions, chacune ayant un niveau sonore d'environ 50 dB, écoutées simultanément à 3 m de distance seront perçues par le récepteur avec un niveau sonore de 53dB. L'oreille humaine est capable de percevoir des sons d'intensités allant de 10-12Watt.m-2 à 1 Watt.m-2, soit allant de 1bel à 13bel, c’est-à-dire de 10 dB à 130 dB, le seuil de la douleur.
La célérité du son, en m.s-1 est la vitesse de déplacement d’une onde. On préfère le terme de célérité à celui de vitesse parce que la vitesse impliquerait un déplacement de matière. La célérité d’un son ne dépend pas de son émetteur, ni de son intensité, ni de sa fréquence ou de sa nature. Elle dépend uniquement du milieu de propagation. Plus la densité du support est élevée, plus les ondes sonores se propagent vite. La vitesse de déplacement de ces ondes est proportionnelle à la densité des matériaux. C’est pourquoi le son est beaucoup plus rapide dans les solides que dans les gaz.
Ce tableau présente la célérité du son dans quelques matériaux :
Les modifications acoustiques découlent des études de psychoacoustique ; c’est pour cela que nous l’étudions ici.
La psychoacoustique est l’observation subjective (personnelle) du son.
L’audition étant binaurale, c’est-à-dire se faisant par l’utilisation des deux oreilles : la localisation complète d’une source sonore suppose trois opérations :
L’écoute a un caractère prévisionnel dans sa fonction de base, et la prévision n’est possible que si l’énoncé est compris. L’écoute sélective permet d’isoler une source d’une autre dans un ensemble. Cette possibilité est à la base de l’écoute intelligente. Elle est liée à la perception spatiale des sons, mais aussi à la reconnaissance des formes (timbre, cohérence). Mais le cerveau n’est pas seul en cause, et de récents progrès dans la connaissance de l’organe de Corti, situé dans les oreilles, ont montré que les propriétés sélectives des oreilles peuvent être modifiées localement, « les accorder » plus ou moins avec les instructions du système nerveux central, et même les préparer à entendre tel ou tel son.
Le réflexe stapédien, qui peut être comparé au réflexe de contraction de la pupille de l’œil soumise une forte luminosité, est un réflexe acoustique qui protège partiellement l’oreille en cas de bruit intense. Ce réflexe provoque une contraction de certains muscles internes à l’oreille, et peut diminuer le son d’en moyenne 10 dB pour les fréquences supérieures ou égales à 1000 Hz.
La localisation binaurale est une opération très complexe. Les sons réels, composés à la fois de basses et hautes fréquences, c'est-à-dire de grave et d’aigu, sont donc localisés par plusieurs procédés simultanément : le fondamental (moyenne des sons entendus) et les premiers composants par différence de phase (décalage des oreilles par rapport à la source), les harmoniques (tous les sons purs qui forment un son complexe) de rangs plus élevés par différence d’intensité, et le spectre dans son ensemble par différence de temps.
Les obstacles se trouvant dans le champ de propagation de l’onde viennent encore compliquer l’opération, en obligeant le système nerveux à distinguer les sons directs et leurs réflexions. De plus, il y a du bruit autour qui s’ajoute au signal.
L’effet « cocktail party » :
Derrière un nom aussi original ne se cache pas une nouvelle recette, mais une référence à l’endroit où ce type d’effet a été mis en évidence en 1953 par E. Colin Cherry.
Il désigne :
• La capacité à concentrer notre attention sur une zone de l’espace sonore, pour capter par exemple une conversation intéressante, ou ce que tente de dire un professeur dans le brouhaha de la salle de classe.
• Le fait que, même si ils ne sont pas l’objet de notre attention, les sons de l’environnement sont traités par le système auditif.
Voici un graphique représentant le champ auditif, en fonction de l’intensité et de la fréquence :
La limite supérieure indique l’intensité à partir de laquelle un son devient douloureux. Cette courbe est presque plate, ce qui signifie qu’à partir de 120 dB, tout son devient douloureux et même dangereux.
La limite inférieure, ou courbe du seuil de perception, délimite le niveau au-dessous duquel un son est trop faible pour être entendu. Cette courbe est relevée pour les graves comme pour les aigus : un son de 50 Hz est perçu au seuil d’audibilité à 60 dB environ, alors que moins de 20 dB sont nécessaires pour 200 Hz, et par définition 0 dB pour 1000 Hz.
L’oreille humaine entend de 16 Hz à 20 000 Hz. Au dessous et au dessus, commencent respectivement les infrasons et les ultrasons.
Au-delà de 110 dB, les ondes sonores peuvent provoquer des troubles de l’équilibre, des rythmes cardiaque et respiratoire, de la vision et du sommeil.
Diagramme de Fletcher
Sur la courbe ci-dessus figurent tous les sons qui, subjectivement, sonnent aussi fort que 40 dB à 1000 Hz. Cette intensité subjective est appelée la sonie. Il existe une unité de sonie : le phone, noté Ph. Par définition, à 1000 Hz, l’intensité physique et la sonie sont égales, soit I = Ph.
Le diagramme a été réalisé à partir d’une expérience : on a fait écouter à un homme un son d’intensité 40 dB et de fréquence 1000 Hz et il a modifié ces deux paramètres de nombreuses fois en s’arrêtant chaque fois que le son lui semblait le même que celui de départ.
Le bruit est une forme de pollution. Il est le responsable direct de 11% des accidents du travail, mais en réalité en provoque beaucoup plus, causant du stress, de la fatigue, de la colère… Il peut être défini comme étant un son gênant. Un bruit ne le serait donc pas pour tout le monde, cette définition supposant une certaine subjectivité. C’est pourquoi on étend sa définition à : toute déformation non souhaitée dans un signal. Il est important de préciser que le bruit perçu est lié à l'émergence, c'est à dire la quantité de bruit qui dépasse du niveau sonore ambiant, à la perception relative à la cible et à la durée d'émission.
L’étalonnage du bruit se limite à 3 courbes de réponse, dénommées A, B et C, correspondant aux courbes 40 Ph, 70 Ph et 100 Ph du diagramme de Fletcher. Les résultats s’expriment en dB(A), dB(B) ou dB(C) selon la courbe utilisée. On mesure le bruit avec un sonomètre, qui fournit une mesure en dB(A), dB(B) ou dB(C). De nos jours, on utilise presque exclusivement le dB(A), correspondant mieux à la perception humaine.
Valeur en dB(A) de quelques bruits ; La partie droite de ce tableau indique les normes légales.
Effets du bruit sur l’homme :
• Troubles de l’écoute
• Surdité (185 dB : rupture des tympans)
• Problèmes de digestion, troubles circulatoires, altération du sommeil
• Agressivité
Protections individuelles contre le bruit :
• Boules de cire,
• Bouchons d’oreille,
• Casques serre-tête.
L’émission d’un son est définie couramment par la création d’une vibration sonore dans l’air, par transmission de la vibration d’un solide, comme la membrane dans le cas des haut-parleurs, ou les cordes vocales pour la voix (situées dans le larynx, elles sont complétées par de multiples résonateurs.).
Ici, les molécules d’air symbolisées par les petits points sont alternativement sous pression et dépression, grâce aux oscillations du solide.
Cette onde, comme expliqué précédemment, est définie par son intensité (en dB) et sa fréquence (en Hz). La fréquence de vibration de la membrane ou du solide émetteur est donc égale à la fréquence de l’onde émise. C’est pour cela, entre autres, que les haut-parleurs fonctionnent à l’électricité, car on peut alors changer la fréquence très rapidement et très précisément, pour créer des sons complexes (pour les musiques par exemple, le haut-parleur doit reproduire à des intervalles infimes les vibrations de chaque instrument, imaginez lorsqu’il s’agit d’un orchestre symphonique…).
échelle des fréquences des sons (en Hertz).
Un pendule de Newton met en évidence la progression de l’onde de choc sans déplacement de matière. (Auteur : Lokilech. Source : fr.wikipedia.org)
Un peu de mathématiques :
La fréquence ƒ est l’inverse de la période T, on note :
(ƒ en Hertz et T en secondes)
avec
(c étant la célérité du son dans le matériau en m.s-1, et L la longueur d’une oscillation seule en m).
On a aussi la longueur d’onde, notée par la lettre grecque λ (exprimée en m) telle que
La formule de calcul de la célérité du son étant infiniment compliquée, ne sera pas rapportée ici.
De même, lorsqu’un caillou est jeté dans l’eau, il produit des ondes concentriques qui se propagent. Le bouchon ne se déplace pas horizontalement, il n’y a donc pas déplacement de matière mais d’énergie.
Lorsque la source sonore est unique et vibre de manière homogène (c'est-à-dire que les vibrations sont espacées à intervalles égaux et ont la même amplitude), le son émis est dit « son pur » (comme ceux émis par les diapasons). Il est composé d’une onde de pression périodique (onde formée par les alternances de compressions et de décompressions de matière) sinusoïdale. Les sons purs sont très désagréables, et ne se retrouvent pas à l’état naturel.
Le plus couramment, lorsque le son est émis par plusieurs sources ou par une source qui émet de manière hétérogène, il est composé de l’addition de bandes de fréquences pures (par exemple, un timbre simple de téléphone est composé de l’addition de deux bandes de fréquences : 350 Hz et 440 Hz), on le dit alors « son complexe ». Un son peut aussi être « confus », c'est-à-dire formé d’ondes qui n’ont pas de périodicité précise (comme le doux bruissement du vent d’été dans les arbres séculaires…).
Le son complexe, perçu par notre oreille, est la somme de deux sons purs différents.
Ainsi, la plupart des bruits sont des sons confus.
Le son complexe est formé de bandes de fréquences pures.
Un son peut être continu (émis sans interruption, comme pour le bruit d’un ventilateur), intermittent (émis moins de 50% du temps, par exemple une sonnerie de téléphone) ou impulsionnel (une ou plusieurs impulsions sonores de moins de une seconde, comme un pétard).
Voici quelques courbes représentant schématiquement des sons de chaque type.
Un récepteur sonore est généralement constitué d’une membrane très fine qui vibre au passage de l’onde sonore, et transforme cette vibration en message (nerveux pour les oreilles, électrique pour un micro).
Le claquement d’un fouet est une mini-onde de choc comparable avec celle d’un avion volant à vitesse supersonique. On peut, avec un geste initial de 20 m.s-1, atteindre la vitesse de 400m.s-1 au bout du fouet.
Le son ayant été émis, il se propage. La propagation d’une onde sonore correspond à une succession de compressions et de décompressions de matière, le nombre de compressions et décompressions par seconde est noté fréquence (en Hertz). Cette propagation se transmettant de particules en particules, plus ces dernières sont proches, plus les vibrations se propagent vite. La vitesse du son dépend donc de la densité du matériau (le son se déplace dans l’air à 15° C à environ 340 m.s-1, à 1435 m.s-1 dans l’eau douce et à 1500 m.s-1 dans l’eau de mer.). C’est pour cela que la vitesse du son dépend aussi de la température (car celle-ci influe sur la densité des matériaux). Dans le cas du déplacement dans l’air, la vitesse du son dépend aussi de la pression atmosphérique (qui elle-même dépend en partie de la température). L’onde sonore dans l’air correspondant à une suite de compressions et décompressions, on peut donc la mesurer en Pa (Pascals, égal à 1 newton par m² de surface). à tout moment donné, il règne donc une pression atmosphérique, ainsi qu’une pression acoustique liée au passage d’une onde sonore (appelée pression instantanée). On peut donc écrire, avec P (pression instantanée), P0 (pression atmosphérique) et Pa (pression acoustique) :
P = P0 + Pa
En ligne brisée sont représentées les variations de pression acoustique, et en ligne courbe les variations de pression atmosphérique.
On peut alors mesurer les variations sonores avec un baromètre très précis (c’est le principe du sonomètre). La fréquence peut être alors exprimée en variations de pression par secondes (égales à la fréquence en Hz, une onde de 600 Hz correspond à une onde qui vibre 600 fois par seconde. L’onde sonore étant sinusoïdale, on utilise la pression efficace (car la simple moyenne de la variation de la pression serait nulle), notée Peff, donnée par la relation :
La courbe Pm représente les variations de pression acoustique.
L’oreille humaine est capable de percevoir des variations de pression allant de 2.10-5Pa à 20Pa, la pression atmosphérique normale étant d’environ 1013hPa (1hPa = 100Pa = 100 N/m2).
à chaque compression et décompression de matière, une partie de l’énergie initiale est dissipée. C’est pour cela que l’onde perd peu à peu en énergie. Ainsi, contrairement à la lumière qui se propage à l’infini dans le vide, le son se propagerait à l’infini dans une matière infiniment dense. Lorsqu’un son est émis, à chaque fois que la distance à l’émetteur double, l’énergie passant par unité de surface est divisée par 4.
La directivité a aussi une influence importante sur le son : une source qui émet dans toutes les directions est dite « omnidirectionnelle ». En fait, une source omnidirectionnelle n’émet jamais de manière identique dans toutes les directions : cette propriété d’émettre un son dans une direction est appelée directivité. La directivité est notée Q et se détermine par : Q = I / I(ref) avec I l’intensité acoustique enregistrée dans la direction étudiée et I(ref) l’intensité qui serait produite au même point par une source omnidirectionnelle de même puissance acoustique.
(On considère ici que l’énergie de l’onde sonore et son intensité sont synonymes.)
Tout d’abord, il est important de rappeler, même si cela parait évident, que ces deux grandeurs sont liées : plus un matériau est absorbant, moins il réfléchira l’onde sonore. En effet, comme expliqué précédemment, les ondes sonores de propagent grâce à des compressions et décompressions successives de matière. Aussi, si ces ondes se heurtent à un objet solide peu « élastique », qui se déforme très peu, les particules qui composent ce solide vont se déformer mais ne reprendront pas leur forme initiale. L’onde a donc été absorbée, mais non réfléchie car le solide n’ayant pas repris sa forme initiale, aucune onde n’a été réémise. De plus, les ondes de fréquences élevées (ondes aiguës) sont plus facilement absorbées que les ondes graves, de basses fréquences (cela explique que lorsque l’on s’éloigne d’une source sonore comme une autoroute, on perçoit moins les sons aigus, alors que les sons graves restent perceptibles plus longtemps. Cette différence est due à la caractérisation des ondes : les ondes aiguës, à fréquences élevées, vibrent plus de fois par seconde que leurs homologues graves, et dissipent donc beaucoup plus d’énergie. Par extension, ceci est aussi applicable aux infrasons et aux ultrasons).
Les ondes à plus grandes fréquences oscillent plus de fois par seconde et dissipent plus d’énergie.
Au contraire, un matériau très élastique se déformera puis reprendra sa forme initiale au passage de chaque onde, réfléchissant ainsi une très grande partie de l’onde initiale. à chaque fois que l’onde passe d’un matériau à un autre, elle perd un peu de son intensité (en dB). Il en est de même lorsque l’onde est réfléchie ou absorbée. Dans la majorité des cas, ces trois effets sont cumulés, avec des variations de chacun des facteurs (énergie incidente, énergie transmise, énergie absorbée et énergie réfléchie). Chaque matériau est défini par un coefficient d’absorption noté α. Si on note E l’énergie initiale ou incidente de l’onde (en W.m-²), Et l’énergie transmise, c'est-à-dire celle qui traverse la surface ; Ea l’énergie absorbée par la surface et Er l’énergie réfléchie, on a alors :
et
En pratique, l’énergie réfléchie est souvent très faible.
Le rayon incident est divisé en 3 autres rayons lorsqu’il rencontre une autre surface.
Phénomène de l’écho :
Le mot écho vient du nom de la nymphe grecque Ekhô, qui fut condamnée par Hera à ne jamais parler la première, car elle faisait diversion auprès de cette dernière lorsque Zeus, son mari, partait exprimer son affection en d’autres lieux… Ce phénomène assez courant est assez simple : lorsqu’un son est émis, il est la plupart du temps multidirectionnel. Une partie est donc perçue directement par notre oreille, alors qu’une autre partie s’éloigne jusqu’à être réfléchie par un obstacle, et revenir vers notre oreille. Lorsque la source sonore se situe trop près de la surface de réflexion, notre oreille ne fait alors pas de différence entre l’onde initiale et l’onde réfléchie : on ne perçoit donc pas d’écho.
Phénomène de l’écho : un rayon parvient directement à notre oreille et l’autre emprunte un autre chemin.
D’un point de vue acoustique, il existe deux types de matériaux : les absorbants, qui retiennent le son, et les réverbérants, qui le réfléchissent. Les matériaux mous et poreux (liège, feutre…) absorbent la majorité des ondes incidentes, même si quelques unes sont réfléchies, ainsi les ondes les traversent facilement. Au contraire, les matériaux durs et denses (pierre, métal…) réfléchissent la majorité des ondes, et l’isolation est alors meilleure entre les deux côtés de la paroi.
Pour que l’acoustique d’une salle soit bonne, elle doit être constituée de matériaux des deux types dans les mêmes proportions.
Le degré d’absorption acoustique varie en fonction des matériaux. Il est caractérisé par le coefficient de Sabine, qui détermine la quantité d’énergie absorbée par une paroi par rapport à la quantité d’énergie incidente.
Si ce coefficient est plus proche de 1, la paroi a absorbé plus d’énergie qu’elle n’en a réfléchi : le matériau est absorbant
Si le coefficient de Sabine est plus proche de 0, la paroi a réfléchi plus d’énergie qu’elle n’en a absorbé : le matériau est réverbérant.
Le coefficient de Sabine varie selon la fréquence des ondes sonores.
De même, l’affaiblissement d’un matériau varie en fonction de la fréquence qui le traverse selon le graphique suivant :
Comme nous pouvons le voir, l’affaiblissement est plus important pour les sons aigus que pour les sons graves. Cependant l’affaiblissement diminue dans un intervalle (ici entre 300 et 900 Hz) appelé « fréquence critique ».
Les matériaux peuvent être classés en trois catégories :
Les matériaux lourds, comme le béton, ont une densité élevée, leur taux d’absorption l’est donc aussi. La fréquence critique de ces matériaux est basse, se situant au niveau de sons déjà faibles avant d’êtres atténués, elle n’influe donc pas sur la qualité de l’isolation.
Les matériaux mi-lourds, briques et plâtres, par exemple, ont une densité et un affaiblissement faibles. Leur fréquence critique est proche de 500 Hz, la voix humaine est donc moins atténuée.
Enfin, le bois, les briques creuses ou le verre sont définis comme matériaux légers. Leur densité est encore plus faible que celle des deux catégories précédentes, par conséquent, leur affaiblissement l’est aussi.
Sabine a établi une formule permettant de calculer le temps de réverbération Tr en fonction du volume V de la salle, de la surface Si et le coefficient d’absorption de Sabine Ki d’un matériau i. On calcule d’abord l’aire de Sabine A, grâce à la formule A=Ki×Si. A doit être différent de 0, ce qui implique que le matériau absorbe une partie du son pour que Ki ≠ 0.
Puis on utilise la formule de Sabine :
Cette formule ne prend en compte ni le mobilier, ni les personnes qui sont dans la salle. Pour prendre en compte des spectateurs, il faut ajouter leur coefficient de Sabine moyen et leur surface moyenne, multiplié par le nombre de spectateurs, dans le calcul de l’aire de Sabine.
Plus le temps de réverbération est élevé, plus le son dure longtemps. Si ce temps est trop long, les ondes sonores les plus tardives arrivent en décalé par rapport aux autres dans les oreilles de l’auditeur. Ce phénomène est appelé l’écho.
Lorsqu’un son est généré dans un espace clos comme un tuyau, tube ou chambre, il se propage dans toutes les directions. Si les dimensions de cet espace sont petites par rapport à la longueur d’onde, comme dans un tuyau, le son se propage le long du tuyau comme une vague jusqu’à ce qu’il rencontre un obstacle. Si le tuyau est clos, les ondes sonores se réfléchissent contre la paroi et retournent dans leur direction d’origine. Si les deux bouts sont obstrués, l’onde se réfléchit plusieurs fois alternativement sur les deux parois avant de perdre de la puissance et de s’arrêter. La longueur du tuyau détermine alors la fréquence de la résonance qui continue à être perceptible longtemps après que la source sonore ait cessé d’émettre. Les autres fréquences initialement présentes s’annulent en se réfléchissant et sont supprimées rapidement.
L’analyse du son dans des salles change selon la longueur d’onde du son étudié. Si elle est plus de deux fois supérieure à la longueur du plus grand mur de la pièce, seules des ondes planes peuvent se propager. Cette condition n’est remplie que dans des salles de très petite taille.
Au-dessus de cette limite, la salle est généralement assimilée à un modèle statistique appelé champ diffus. Il s’agit d’un champ dans lequel la densité énergétique est supposée être la même en chaque point, ce qui implique qu’il y a autant de probabilités que le son arrive de chaque direction. Ainsi, les ondes se propagent de manière homogène et dans toutes les directions.
La transmission du son entre les pièces est un enjeu majeur de l’acoustique architecturale. Quand deux pièces sont séparées par un mur commun et que l’on considère la pièce contenant une source émettant un son d’intensité I comme un champ diffus, alors une énergie est transmise à la pièce réceptrice où est généré un son d’intensité inférieure à I.
Les premières réflexions théoriques sur l’acoustique des bâtiments se fondant sur des bases scientifiques précises datent du XIXème siècle ; cependant, l’intérêt qu’ont les hommes pour les caractéristiques sonores des lieux est bien plus ancien et ils laissèrent dès le Paléolithique des marques sur les grottes dont l’acoustique naturelle était exceptionnelle.
La première civilisation européenne à avoir réellement tenu compte de l’acoustique dans ses réalisations architecturales est la civilisation grecque. En effet, certains de leurs amphithéâtres ont une acoustique exceptionnelle comme le théâtre d’épidaure, construit au IIIème siècle à l’emplacement d’un sanctuaire dédié au dieu de la médecine Asklépios, alors haut lieu de pèlerinage hellénique.
Le théâtre d’épidaure
L’acoustique exceptionnelle de ce théâtre se caractérise par la finesse des détails sonores émis de la scène. Par exemple, une pièce de monnaie tombant dans l’orchestra, scène au milieu de laquelle s’élève un autel dédié aux sacrifices, est entendue du haut des gradins.
Les raisons qui font que l’acoustique de ce théâtre est remarquable ne sont pas connues mais plusieurs hypothèses ont été établies à ce sujet. Selon l’une d’elles, la qualité de cette acoustique serait due à un microclimat favorable. Selon une autre, l’utilisation du nombre d’or dans les proportions des gradins serait facteur de la qualité de cette acoustique.
Rappelons que le nombre d’or est une proportion jugée parfaite que l’on retrouve dans de nombreuses œuvres d’art, de l’Antiquité à nos jours. Elle peut être exprimée de la manière suivante : « le plus petit des nombres est au plus grand ce que le plus grand est à leur somme ». On peut visualiser cette proportion de manière suivante :
Ici, AB est à BC ce que AC est à AB, soit
Ainsi, le nombre d’or est l’unique solution positive de l’équation
Soit
On retrouve ce rapport dans la suite de Fibonacci, suite de nombres entiers dans laquelle chaque terme est égal à la somme des deux précédents. En voici le début :
0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144, 233, 377, 610, 987, 1597, 2584, 4181, 6765, 10946…
En effet, on peut vérifier que le quotient de deux termes consécutifs de cette suite s’en rapproche, et ceci très tôt (8 ÷ 5 vaut déjà 1,6).
De plus, on constate que la totalité des gradins d’Epidaure, c'est-à-dire 55, se répartit en deux séries de 34 et 21 gradins. Ces valeurs sont trois nombres consécutifs de la suite de Fibonacci, c’est-à-dire encadrent le rapport du nombre d’or. En effet :
55 ÷ 34 = 1,6176 et 34 ÷ 21 =1,6190
Cependant, personne ne saurait affirmer que ces coïncidences mathématiques sont la cause des particularités acoustiques de ce théâtre.
Après les réussites architecturales des grecs, les romains construisirent aussi des théâtres mais leur acoustique n’était pas aussi bonne que celle des amphithéâtres grecs. Ceci peut en partie s’expliquer par le fait que les théâtres romains n’étaient pas construits en pleine nature mais en milieu urbain. Cependant, la période romaine est marquée par l’architecte Vitruve (environ 90 à 20 av. J.-C.), auteur du fameux traité d’architecture en dix volumes De Architectura, dans lequel il écrit que les principaux défauts acoustiques sont les temps de réverbération trop longs et les échos.
Bien que certaines des réalisations architecturales du Moyen-âge à la renaissance aient étés des réussites du point de vue acoustique, les connaissances théoriques n’ont pas progressé et l’empirisme et l’intuition ont pendant longtemps été les seules règles acoustiques. Les hommes s’habituaient à l’acoustique des lieux plus qu’ils ne l’adaptaient à eux ; c’est pourquoi, par exemple, les prêtres ont pris l’habitude de parler lentement dans les églises.
Au XVIIème siècle est considéré comme le siècle des grandes découvertes, aussi bien en sciences que dans les autres domaines. L’acoustique n’échappe pas à cette loi et Athanasius Kircher (1601–1680) publie le traité Musurgia Universalis (Rome, 1650) dans lequel il étudie aussi les échos et démontre à l’aide d’ondes sonores que les plafonds voûtés peuvent focaliser le son.
Cependant, ces nouveaux concepts ne trouvent pas encore d’applications architecturales dans les salles de concert, qui étaient encore rares : les orchestres jouaient encore dans les salons. C’est dans ce contexte qu’apparaît l’opéra, qui se développera au XVIIIème siècle grâce à son succès et à son aboutissement. Sur le plan architectural les formes en ellipse, étaient privilégiées, leur acoustique étant considérée à l’époque comme la meilleure. En effet on pensait alors que les surfaces concaves concentraient le son. Cependant, il existait quelques variantes, comme la forme en fer à cheval ou en cloche, qui présentaient un resserrement au niveau de la scène. Ces théâtres dits à l’italienne étaient ornés de riches décorations qui corrigeaient les effets supposés néfastes de la symétrie.
Le XIXème siècle est un temps d’avancées considérables pour l’acoustique architecturale. à cette époque, la nécessité de bâtir des salles de concert plus grandes et moins coûteuses que les théâtres à l’italienne conduit à modifier les plans typiques utilisés jusqu’alors. La forme elliptique devint rectangulaire, avec une faible largeur par rapport à la longueur, un plafond élevé et une galerie courant sur le pourtour de la salle. La sonorité s’enrichit et devient plus pleine, le temps de réverbération se fait plus long. Des nouveaux matériaux apparaissent, comme le fer, le verre et le béton, remplaçant la pierre et le marbre.
Le début du XXème siècle est marqué par Wallace C. Sabine (1868-1919), père de l’acoustique moderne des salles. C’est à la demande de la Compagnie de l’Université d’Harvard que Sabine entreprend en 1895 de chercher une solution à l’acoustique détestable de la grande salle de conférence du Fogg Art Museum, victime d’échos parasites et d’une trop grande réverbération. Il entame alors une série de recherches très poussées sur l’acoustique. Sabine travailla beaucoup par expérimentation et réalisa des milliers de mesures avec un tuyau d’orgue et un chronomètre. C’est grâce à cette étude qu’il découvre la relation entre le temps de réverbération, le taux d’absorption des matériaux et le volume d’une salle. Comme autre exemple, on peut citer sa manière d’étudier l’acoustique d’une salle à construire. Pour ce faire, il immergeait une maquette de celle-ci dans une cuve à ondes. Les ondes créées par un petit vibreur dans l’eau se réfléchissaient en différents endroits de la maquette, tout comme des ondes sonores, lui permettant de les étudier précisément. Il modifiait ensuite la maquette en suivant son instinct et ses expériences précédentes.
Sabine fut appelé comme expert acousticien pour la construction du Symphony Hall de Boston, de sorte que ce monument possède aujourd’hui encore l’une des meilleures acoustiques du monde.
Wallace C. Sabine accordait peu d’importance à la forme des salles, cependant c’est dans ce domaine que les nouveautés sont les plus spectaculaires. En effet, différents types de salles apparaissent dans les années 1920 à 1950. Citons les plus répandues :
- Les salles à sons dirigés, apparues dans les années 1920 et 1930, se basent sur l’acoustique géométrique. Le plafond, les parois latérales et le plancher y sont les éléments principaux, chacun jouant un rôle précis. En effet, le plafond doit canaliser le son vers les auditeurs, augmentant sa clarté et sa puissance. Les murs latéraux, doivent augmenter de par leur action réfléchissante l’impression spatiale de l’effet stéréophonique et la sensation d’enveloppement sonore. Finalement, la fonction du plancher est de transmettre à l’auditeur les vibrations par les pieds, contribuant à l’accentuation de la sensation d’enveloppement sonore.
- Les salles watsonniennes, dénommées ainsi en référence à Floyd Rowe Watson (1872-1974), conçues pour une réverbération faible, sont très absorbantes et comportent tentures murales, moquette et fauteuils rembourrés. Le son parvient au spectateur par l’intermédiaire de haut-parleurs.
- Dans les salles en éventail, apparues dans les années 1930, le son direct est privilégié, au détriment des réflexions. La visibilité y est très bonne, mais les défauts acoustiques sont nombreux : les spectateurs ont une impression de monophonie et le son continue de se propager pendant des silences. La salle Pleyel, inaugurée en 1927, pouvait, avant sa rénovation en 2005-2006, être assimilée à ce type de salle.
- Enfin, les salles en vignoble : les terrasses sont disposées de manière asymétrique et le plafond est doté de puissants réflecteurs. On peut citer la Philharmonie de Berlin qui est sans doute l’exemple le plus fameux de ce type de salles.
En 1924, la maison Pleyel, spécialisée dans les pianos et fondée en 1807, investit dans une nouvelle salle, entièrement destinée à la musique de concert : un très vaste immeuble placé non loin de la place de l’étoile à Paris. La nouvelle salle est conçue par Gustave Lyon et construite de 1924 à 1927 par Jean-Marcel Auburtin, puis André Granet et Jean-Baptiste Mathon. Gustave Lyon a basé la structure de la salle sur celle d’un entonnoir. La scène est l’endroit le plus réduit de la salle, et le plafond est lié au mur arrière environ 6 m au-dessus de l’orchestre ; il constitue une vaste voûte arrondie qui remonte et s’élargit au fur et à mesure qu’elle rejoint l’arrière de la salle. Devant la scène, un long parterre s’étend jusqu’aux deux balcons du fond. Le plafond est presque deux fois plus haut au niveau des balcons qu’au niveau de l’orchestre. La salle est inaugurée le 19 octobre 1927. Elle peut accueillir 3 000 spectateurs environ.
Malheureusement, les flammes ravagent l’auditorium moins de neuf mois après l’ouverture. La filiale de Pleyel qui gère l’immeuble ne se relève pas de ce choc financier et le nombre de places dans la salle passe à 2400. Il semble que l’acoustique ait souffert de la rénovation entreprise. En effet, un écho apparaît et le temps de réverbération devient trop long. Les matériaux utilisés pour la reconstruction sont ininflammables, et la salle perd donc de son charme et de son confort (les fauteuils sont dès lors en métal). De plus, peu de temps après les réparations de la salle commence la crise de 1929.
La salle devient alors la propriété de la banque qui avait accordé l’emprunt d’origine, le Crédit Lyonnais, en 1935.
En 1958, suite aux plaintes des spectateurs quant à l’acoustique de la salle, le Crédit Lyonnais entreprend de la faire rénover. L’architecte André Hamayon ajoute un cadre à la scène, abaisse le plafond, élargit le plateau et installe des réflecteurs en forme de diamants, ayant pour but de diminuer l’écho.
De nouveaux travaux en 1981 tendent à lui faire retrouver son acoustique originelle. Pour cela, on redonne à la salle sa forme concave et on retire le cadre de la scène. Ces modifications touchent au volume de la salle, pour en améliorer la propagation des sons.
En 1998, suite à la crise financière du Crédit Lyonnais, la salle est remise en vente. L’état ne se porte pas toutefois acquéreur car les fonds sont insuffisants. C’est Hubert Martigny, cofondateur de la société Altran Technologies, qui rachète la salle à titre privé et charge la société ISDH de la gestion. De plus, Hubert Martigny rachète la société Pleyel dans le but de réunir les deux institutions.
En 1999, la salle est classée Monument Historique.
De 2003 à 2006, c’est la société ISDH qui assure la gestion et rénove la salle pour la rendre plus proche de la décoration initiale. La salle devient plus attractive et plus confortable. En 2006, la salle jusqu’alors privée, devient possession par bail (loué par Hubert Martigny) de la Cité de la Musique, avec le droit de racheter la salle dans 50 ans pour la somme symbolique de 1 euro.
Après ces nombreuses rénovations et deux ans et demi de travaux (ainsi que 27 millions d’euros d’investissement), on retrouve alors l’esprit initial de la salle, tant décorativement (la coupole et la mosaïque dans le vestibule d’entrée sont recréés exactement à l’original, ainsi que la forme générale intérieure) qu’acoustiquement. En effet, l’architecte François Ceria chargé de la rénovation de la salle a travaillé de paire avec un cabinet d’acoustique. Un mois d’analyses ont été nécessaires, avec l’aide du cabinet américain Artec Consultants Inc, spécialisé en acoustique avant de commencer les travaux. L’étude s’est d’abord basée sur l’écoute à nu, puis avec les appareils de mesures spécialisés et enfin avec différents instruments. De nombreuses modifications ont été apportées à l’auditorium :
Les matériaux du sol n’ont pas été choisis particulièrement pour leurs propriétés acoustiques.
C’est donc la conjonction de beaucoup de détails auxquels une attention minutieuse a été portée, qui distingue aujourd’hui cette salle de beaucoup d’autres. La construction d’une salle aussi compliquée a réclamé beaucoup d’attention et d’investissements (tant humains que financiers), mais tous ceux qui s’y sont attelés sont aujourd’hui fiers d’avoir participé à un chantier aussi reconnu. Très réputée, même mondialement, cette salle est la première de Paris à avoir atteint, malgré un parcours tortueux de plus de 80 ans, une telle perfection d’écoute. Face à d’autres villes telles que New York ou Londres qui possèdent déjà quelques salles de concert de qualité, beaucoup pensent que c’était ce qui manquait à Paris en tant que ville culturelle.
Nous avons étudié le comportement, la manière dont fonctionne le son, ainsi que l’influence de l’environnement sur ce dernier, et plus particulièrement des matériaux et des formes. Cette étude a été complétée par l’analyse des progrès acoustiques au cours du temps, et de la salle Pleyel, actuellement considérée comme le fleuron de l’acoustique moderne. Nous sommes donc à même de répondre à la problématique initiale : les évolutions et les progrès liés à l’acoustique, bien que basés au début sur le hasard, puis sur des expériences, découlent aujourd’hui d’études spécialisées, et d’analyses approfondies, c'est-à-dire de techniques et théories précises, élaborées pour la plupart avec l’aide de l’informatique ou d’instruments très précis. C’est le chemin d’évolution que suivent la plupart des sciences expérimentales, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas « théorisables » facilement. Mais l’acoustique, aussi poussées que soient les connaissances théoriques à son sujet, peut être aussi grandement améliorée par la découverte de matériaux nouveaux. Les architectes d’aujourd’hui doivent prendre en compte cette dimension de plus en plus importante : personne ne trouve agréable de vivre dans une maison qui ne correspond pas à nos critères subjectifs de confort, notre époque commence tout juste à intégrer l’acoustique dans l’idéal de confort, bien que celle-ci soit prise en compte depuis l’antiquité dans les lieux destinés aux spectacles. L’acoustique fait donc partie, au même titre que l’isolation thermique, ou l’éclairage électrique, des évolutions qui dans un avenir proche seront des éléments indispensables à notre confort.